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Sam Cooke "Live at the Harlem Square Club"
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Auteur:  ZiGGy [ 03 Mar 2010 23:04 ]
Sujet du message:  Sam Cooke "Live at the Harlem Square Club"

Pour Childeric, une des chro que je n'ai pas bazardées.


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L’année 2005 aura vu Sam Cooke honoré de parfaites rééditions de ses deux meilleurs L.P. par RCA/Legacy. Outre un Night Beat lorgnant vers le jazz d’Armstrong, l’autre chef d’œuvre de 1963 est le live enregistré le 12 janvier au Harlem Square Club de Miami. En ce début des années 60, moins de deux ans avant sa mort tragique en décembre 64 dans un hôtel de Los Angeles, le plus bel ange de la soul est au sommet de son art. En studio, sa musique est la plus douce qui soit, conservant le meilleur de ses origine gospel tout en se débarrassant des violons sirupeux qui engluent jusqu’à ses plus beaux singles. Sur scène, c’est le vrai Sam Cooke qui se révèle, soutenu par le saxo ténor puissant de King Curtis, pratiquant un rhythm and blues chaleureux et énergique. Jusque dans ses tubes les plus romantiques auxquels il consacre le medley It’s All Right / For Sentimental Reasons, le Sam Cooke de ce soir là fait danser son audience, et révèle une facette inconnue des seuls auditeurs de ses singles ou même de son très calme Live at the Copa (le seul à être sorti de son vivant). Dans ce court concert est concentrée toute l’énergie et la verve que l’on retrouvera chez l’autre génie absolu qui prendra sa relève : Otis Redding.

Plus romantique et moins revendicatif que son héritier, Sam Cooke est le dépositaire de la ferveur du gospel en même temps qu’un puissant interprète de rhythm and blues, la plus énergique des musiques noires d’alors. En mêlant les deux, il invente la soul en parallèle avec Ray Charles, et ce live est un parfait exemple de cette fusion. Presque tardif dans sa carrière, il regroupe dix chansons parfaites prouvant qu’avant d’être interprète, il est l’un des meilleurs compositeurs du genre. Usées par maintes et maintes reprises (si l’on ne doit en écouter qu’une, ce sera le Bring It On Home des Animals) ces chansons ne furent jamais aussi vitales, essentielles, que les versions audibles sur cet album. Ici, Sam Cooke affiche avant tout la forme et la ferveur de la jeunesse (il n’est qu’à quelques jours de son trente-deuxième anniversaire) et sa voix, d’ordinaire si douce, semble plus proche que jamais de la musique du diable. Rien d’étonnant à ce que des rockers anglais comme Eric Burdon ou Rod Stewart l’ait ainsi vénéré.

Plus sensuel que quiconque alors, Sam Cooke ouvre le bal par Don’t Fight It (Feel It), hymne aux plaisirs des sens. Incomparable, sa voix est l’égale en beauté de son magnifique visage. Porteur de tous les attraits d’une idole et image de la perfection, Sam Cooke irradie de charisme. Son répertoire couvre pour l’essentiel la question des sentiments humains, et de leur expression corporelle – la danse, et par delà, le sexe : Twistin’ the Night Away. Pas étonnant qu’une telle musique ait pu choquer l’Amérique puritaine, avec sa motivation hédoniste fort séduisante et un rien sulfureuse. La soul étant la musique de l’âme, son interprète peut parfois prendre l’aspect d’un prêcheur. Ici, il prêche l’amour sans fioritures et sans niaiserie, jusqu’aux limites du féminisme dans le speech d’ouverture de It’s Alright. La violence morale du blues originel est remplacée par une énergie purement physique, relayée par un orchestre mêlant l’habituelle backing-band de Cooke avec la formation plus virtuose de King Curtis. Un beat régulier, vif, un swing à abattre les murs, et un souffle toujours brûlant de Curtis lors de ses solo.

Le maître mot de la soirée, c’est la fête : « Having a party / Dancing to the music / Played by that D.J. / On the radio… » La musique se fait épiphanique ou transcendantale, selon que l’on préfère se référer à la culture chrétienne ou à sa sœur vaudou. Le croisement musical dont est issu la soul, c’est aussi celui de ces deux cultures qui furent si influentes dans la communauté noire américaine. En toute logique, elle pris la place du rhythm and blues dans les charts ségrégationnistes au cour des années 60, sous l’impulsion de Tamla/Motown et Stax. Mais nous ne somme qu’à l’aube de l’année 63, Kennedy et Cooke sont toujours en vie, les blancs commencent à peine à se mêler à ce mouvement musical, et l’heure est à l’optimisme. Même une plainte comme Chain Gang devient entraînante sous les appels de Sam Cooke à son public. Il mène la danse et orchestre toute la soirée comme il l’entend, transmettant son énergie par sa voix… si chaleureuse qu’elle devient ardente. Bâtarde sublime, la soul vient ici vous réchauffer aux flammes du paradis.

Insurpassable, insurpassé, ce Live at the Harlem Square Club reste après 45 ans le meilleur live d’une soul proche de ses racines, essentielle et universelle. A ses côtés au firmament, le premier Live at the Appolo de James Brown, et la performance d’Otis Redding au festival Monterey Pop. Aucun d’entre eux n’oublie son public, tous le réchauffent au rythme du blues. Dans la longue litanie de chef d’œuvres qu’est l’histoire de la pop-music, Sam Cooke a acquis une place particulièrement enviable au chapitre « live » grâce à ce L.P.. C’était Sam Cooke, Live at the Harlem Square Club, à écouter en boucle dans la seule édition qui lui rende justice, celle de RCA/Legacy, parfaitement remasterisée et donnant enfin sa place dans le mixage à un public enivré jusqu’ici inaudible.

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