MANOWAR – Battle Hymns (1982)
Battle Hymns est comme une huître perlière. Quand on ouvre le crustacé, on ne voit que la perle blanche qui trône sur son amas de chair visqueuse et grisâtre. La pureté éclatante de la nacre en fait oublier à plus d’un combien la chair d’huître peut être savoureuse. En ce sens, Battle Hymns et son morceau éponyme mystifie l’album. La grandeur et la puissance du morceau ont fini par aveugler les auditeurs distraits de MANOWAR.
Certains albums sans être des monuments du Heavy Metal portent en eux les germes d’un tel potentiel qu’il en exhale une pureté presque touchante. Plus que de simples albums, ce sont des odes à la vie et au courage qui dégagent une puissance indescriptible. Battle Hymns est de ces diamants à l’état brut qui ne manquera pas de bluffer quiconque gratte un tant soit peu.
Le commencement de l'album est à ce titre révélateur. D’un Heavy lourdingue au mid tempo vrombissant (Death Tone), MANOWAR enchaîne sur le majestueux « Metal Daze ». En un morceau, le groupe synthétise tout ce que le Heavy a hérité du Rock, véhiculant par la même occasion un entrain et une énergie que peu de groupes ont égalé (I feel the power, Rolling on the stage. 'Cause only one thing, Really sets me free Heavy metal Loud as it can be). Même encore aujourd’hui.
La faute à un Eric ADAMS en forme olympique chantant avec une puissance déjà bluffante, la faute à ces riffs si parfaitement basiques, la faute à ces refrains taillés pour se coller dans un coin de votre crâne...
Par delà le potentiel inhérent de l’oeuvre et passé les émotions d’écouter l’un des plus grands groupes de Heavy Metal en devenir, l’album se présente comme une sorte de « trailer » pédagogique des qualités du groupe. Tous les ingrédients qui feront le succès et la grandeur de MANOWAR sont dispersés d’un bout à l’autre de la galette. Rien qu’un morceau comme « Dark Avenger » et son ambiance obscure en est presque pédagogique : ce riff mid tempo lourd et lancinant duquel émerge une longue narration... et « bam » accélération qui cloue le morceau et lui donne une ampleur insoupçonné.
Variant les plaisirs avec un aplomb bluffant, MANOWAR joue tour à tour la carte de l’émotion sur « Shellshock », balance son hymne à la face du monde .Il faudra faire avec MANOWAR dans les prochaines années (Manowar Born to live forever more The right to conquer every shore Hold your ground and give no more Our fight will never end So we call on partisans To raise your hands And take our stand ).
Avec ce premier album, MANOWAR débarque sur les terres du Heavy Metal en conquérant. Un territoire vierge et inocuppé s’offre au groupe. Un « pan » entier du genre reste à écrire. MANOWAR vient de mettre une option dessus. En 1982, avec ce Battle Hymns, personne ne pouvait aussi bien y prétendre.
Note : 4/5
Focus Canardien : Battle Hymns
Difficile de passer sous silence ce monument du Heavy Metal dans tout ce qu’il a d’épique et de combattif. Rien que l’intro acoustique du morceau – simple mélodie qui s’aiguise sur un fond de basse – laisse pressentir un titre hors norme. La mélodie vous cingle le visage, puis la batterie solo vous frappe la tète. La charge est sonnée et le riff explose formidablement. Ahhhhh ce riff... Si simple et évident. Toute la puissance du Heavy Metal est concentrée dans ces quelques minutes. Il y a assez de courage et de bravoure la dedans pour renverser un gouvernement, partir en guerre ou mener une révolution pour quelque cause perdue. On pense très fort aux « 300 » spartiates quand ADAMS hurle : « Kill Kill » et « Victory Victory ». Serrer le poing et les rangs (Still brave beyond the grave All sworn the eternal vow The time to strike is now).
La fureur du combat s’éclipse en milieu de titre. La voix d’ADAMS se fait angélique. Ce break mélodique (procédé qui deviendra classique pour le groupe) est une trêve. Le temps s’arrête quelques secondes pour repartir de plus belle. Et ce sont les guitares qui surenchérissent dans un premier temps. Puis le solo suinte d’une émotion palpable. Surenchère décidément. On avait déjà les poils du bras qui se hérissaient, il ne manquait qu’un long frisson qui parcourt l’échine pour parachever notre plaisir. Dans un final paroxysmique, ADAMS hurle avec la rage du (des)espoir le dernier refrain. Ce refrain gravé encore un peu plus dans notre crâne (Sound of charge into glory ride Over the top of the anguished pride By moonlight we ride Tenthousand side by side). Et le titre s’envole encore une fois. Une dernière fois.