Quelques textes sublimes tirés du courrier des lecteurs de jazz hot et jazz mag tenus par Siné. Je vais donc fourir les coupures de presse ou lettres reproduites par Siné (en italique), et ses réponses (en gras, parce que ça le vaut bien)... Amusez vous bien.

La page de fevrier 1965 donne à penser. C'etait il y a 40 ans mais on en bouffe encore.

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Extrait du Bulletin mensuel régionel de l'Esprit public, (janvier 65)

ETRE OU NE PAS ETRE...RACISTE !
Un cabaret du centre de la ville a été interdit aux Noirs (Dauphiné libéré 2/1/65). Le racisme n'est pas mort à Grenoble. Bravo ! Si être raciste : c'est défendre la race blance; c'est combrattre les sauvages préhistoriques; c'est ne pas se faire manger par les Noirs! Alors oui! Nous sommes racistes et nous le crions bien fort!
Evidemment, tous les Noirs ne sont pas sauvages (Tschombé), mais tous les Noirs de Grenoble sont progressistes et communistes et soutiennent les rebelles Congolais! Quand aux Blancs qui les approuvent, nous leur dsons simplement ceci: "Ya bon petit homme blanc, miam miam, coupé morceau..."

Avis aux fans, vous finirez dévorés par Monk, Dizzy, Coltrane ou autres sauvages !... Ca va chauffer ! En Belgique aussi il y a des excités:

Les nègres sont devenus les vaches sacrées du monde blanc. Ils sont intouchables et, quoiqu'ils fassent, nous devons être en extase devant eux. Sinon c'est l'horrible accusation de racisme destinée à ancrer dans nos esprits un permanent complexe de culpabillité vis-à-vis de tous les sous-capables.

Ils ne savent plus, ces détritus, coment traiter les Noirs... La rage les étouffe, ces minables, ces pourris, ces va-de-la-gueule... Dommage qu'en tant qu'Académicien je doive châtier mon style, sinon je les traînerais dans la merde tous ces enculés !

nada

Novembre 1966:

Je n'ai pas eu beaucoup de mal cette fois à trouver ma pâture mensuelle: Jazz Hot a laissé le Père Guy de Fatto s'exprimer : on croit rêver ! Ils ne se cachent plus maintenant pour perpétrer leurs sales coups ! D'abord le Syndicat, ensuite les curés, bientôt les flics et pourquoi pas les militaires ? Une chose m'a toujours profondément choqué : essayez de faire accepter un article défendant l'athéisme ou même la simple laïcité dans un journal catholique : vous verrez la façon dont vous serez reçu (malgré leur prétendu respect de l'incroyance) ! Mais nous, nous ouvrons innocemment nos colonnes à leur maligne entreprise ! Nous nous laissons contaminer par leur triste propagande... Nous croyons être tolérants, nous ne sommes que dupes ! Combien de fois faudra-t-il le répéter ?... Plus les curés sont progressistes, plus ils s'estiment "dans le coup" et plus ils sont dangereux ! Ce sont ceux-là qu'il faudra abattre les premiers ! Puisque le père de Fatto veut rendre présent l'Eglise dans les milieux jazz et se tient à votre disposition, j'en fais de même ! Je répondrai à toutes vos questions. Tous ceux qui veulent extirper ce poison qu'est la religion (quelle qu'elle soit) peuvent compter sur moi : il n'y a pas plus de péché originel que d'intelligence dans les propos du Pape (qu'il soit du Vatican ou de Montauban) !

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Et donc le mois suivant:

J'avoues m'être bien amusé à "dépouiller" vos lettres. Je savais que la moyenne intellectuelle des amateurs de jazz n'était pas tellement brillante... mais, franchement je ne l'imaginais pas à ce point-là ! Enfin, il vaut mieux lire ça que de jouer comme Dave Brubeck ! La première (écrite sur papier "bible") vient d'un abbé. J'attends avec impatience une "bulle" maintenant.

Etant aumônier d'une organisation de jeunes et ancien musicien de jazz amateur (banjo), malgré mon sacerdoce et mes activités, j'ai réussi à garder le contact avec le jazz, en particulier grâce à votre revue que j'apprécie. Je la lis régulièrement et je la fais connaître autour de moi, parmi les jeunes dont je m'occupe et dont certains s'intéressent au jazz. Aussi c'est vous dire le choc que j'ai ressenti en apprenant que le dessinateur Siné allait collaborer régulièrement à vos colonnes. Je crains que l'attitude de Siné ne soit de nature à créer des malentendus chez vos lecteurs, par ce qu'elle comporte d'excessif et de provocateur. C'est à vous d'en juger, bien sûr, mais il y a là un problème de responsabilité morale sur lequel j'appelle votre attention. Personnellement, en tant qu'homme, je ne suis pas toujours insensible à l'humour de Siné lorsqu'il évite les vulgarités complaisantes et, en tant que prêtre, je puis dire que j'interprète beaucoup plus favorablement sa violence que la triste indifférence de certains. Ce sont les tièdes qui sont à plaindre, et non ceux que leur générosité même a pu égarer sur un mauvais chemin. Pour ceux-ci, je suis persuadé que l'espoir demeure ; cela ferait peut-être sourire Siné de savoir qu'il m'arrive de prier pour lui ; cependant sa passion de la justice et sa sincérité quelquefois excessive m'encouragent à croire que ce n’est pas en vain.
Recevez, je vous prie, l'assurance de mes bons sentiments - Abbé Henri P., Paris.

Mon cher frère (ou père, ou fils), je ne sais pas de quoi on vous traite d'habitude. D'abord, le choc que vous avez ressenti en apprenant que j'allais collaborer à cette revue n'est rien comparé à celui que j'ai eu quand j'ai appris que j'avais été baptisé sans mon consentement vers l'âge de 6 mois par mes parents indignes! Ce scandale perpétré par l'un des votres sur ma personne, alors innocente, est autrement plus choquant! Plutôt que d'avoir le culot de prier pour moi (ce que je vous interdis ici-même et, bientôt par vois d'huissier) vous feriez mieux de prier pour votre âme afin d'essayer de la blanchir de ce forfait... Oui, vous êtes tous responsables, que vous le vouliez ou non, comme les Allemands le sont du massacre des Juifs, les Français du martyr des Algériens et les Blancs de la ségrégation envers les Noirs. Si vous trouvez que mon attitude est excessive et provocatrice, vous êtes un peu gonflé ! Mais, nom de dieu, quand vous rendrez vous compte que c'est vous et vos affreux congénères qui nous pompez l'air avec vos simagrées, sermons, idole, gris-gris, hosties, cloches, burettes, soutanes, croix, vin de messe, chapelets et autres foutaises ! Nous avons le droit (je dirais même le devoir) de rester intelligents, lucides et libres. Pour l'instant, vous avez l'armée, la police, les autorités avec vous, mais n'oubliez pas que vous n'êtes qu'une petite minorité d’emmerdeurs et que le pouvoir vous ne l'aurez pas toute la vie ! Comptez sur moi !
P.S. Je vous interdis d'être sensible à mon humour.

Permettez-moi de vous adresser mes félicitations et encouragement de lecteur fidèle à la suite de l’entrée de Siné dans votre équipe de rédaction. Je me trouve en effet pleinement d’accord avec les remarques que vous publiez de lui dans votre numéro de novembre. Oui, nous devons, nous amateurs de jazz et de liberté, nous montrer vigilants à l’égard d’un clergé qui se perfectionne dans le camouflage, non seulement du point de vue vestimentaire avc l’abandon scandaleux de la soutane, mais intellectuel avec ces affectations conciliaires ou antibaises de progressisme à la mords-moi-le-goupillon. Nous vivons décidément une drôle d’époque : les curés se mettent en civil et bientôt ce sera les troufions ! Les vrais civils vont être débordés, noyautés, pris à revers par ces hypocrites. Il n’y a donc plus qu’une solution. Je vous la soumets en espérant que Siné mettra son talent graphique au service du seul projet capable de nous tirer d’affaire : il faut de toute urgence créer un uniforme pour les civils, et les organiser en bataillons après endoctrinement et sélection dans des séminaires. Alors, sachant nous reconnaître, nous serons, nous les civils, en mesure de résister efficacement à la subversion cléricalo-militaire qui nous menace. – Jean-Marie Stauff, Chatillon-sous-Bagneux.

Tout à fait d’accord ! J’y ai longtemps pensé et je vous soumets une proposition. [dessin d’un homme et une femme nus portant une plaque « civil(e) »] Elle peut, bien sûr, être améliorée. On verra ! Pour les hommes, il faut les cheveux longs : indispensable ! Aucun curé aucun militaire, aucun flic n’osera les porter ! La plaque « civil » n’est pas destinée à être toujours portée en guise de cache sexe. On pourra se la mettre sous le bras (la plaque), sur la tete, mais surtout sur les fesses pour éviter la prise « à revers » par ces hypocrites dont vous parlez. Je crois que cette tenue offre beaucoup d’avantages. Réfléchissez-y… Pour les bataillons, d’accord aussi, mais mixtes !

Comme Lucien Malson, je suis catholique. Mais je dois dire bravo pour votre attaque contre le père de Fatto. En effet, j’ai assisté aux deux derniers festivals d’Antibes et aux messes qu’on y donna. Le père de Fatto, même si ses intentions sont élevées, s’u est montré bien piètre orateur. Et puis sa phrase : « je ne suis pas un ex-musicien de jazz devenu prêtre, je suis encore un musicien de jazz » est agacente. Un peu de modestie ne lui messiérait point. Si quelqu’un peut un jour précéder à un mariage religion-jazz, ce n’est certainement pas Guy de Fatto qui y parviendra : il manque d’envergure. Il suffit pour s’en rendre compte de lire l’article que vous avez extrait de Jazz Hot. Inspiré par le ciel, peut être, mais écrit avec les pieds. – Jacques Montagné, Cannes.

Etes-vous sûr que Lucien Malson soit catholique ? Je le connais, il a pourtant l’air de quelqu’un de normal ! Je vous soupçonne d’être un vil calomniateur ! Je vais me renseigner et si c’est vrai ; je vous présenterai des excuses le mois prochain. « Inspiré par le ciel et écrit avec les pieds » est une formule pléonastique. La meilleure preuve en est le texte navrant signé John Coltrane et publié au dos de la pochette LOVE SUPREME ! « …merci mon dieu…Elvin, James et McCoy, je vous remercie… […] Que tous les anges aillent à dieu !... A tous, merci. » C’est dommage, car le disque est fantastique : Coltrane y joue comme un dieu !

Monsieur Siné, vous n’aimez pas les curés, vous n’aimez pas le jazz français, vous n’aimez pas les flics, vous détestez Johnny Hallyday, vous haïssez les racistes, etc… Dans cette liste, j’oublie certainement nombre de vos ennemis habituels. Mais qui donc aimez-vous ? Pouvez-vous me le dire ?

Si vous connaissez quelqu’un qui aime les curés, les flics, le jazz français (sic), les racistes, J. Hallyday, ce ne doit pas être un très joli monsieur ! Tixier-Vignancour ? Jean Nocher ? Un des frères Sidos de Jeune Nation ? Je ne me crois pas très extrémiste ni très seul en aimant Albert Ayler, les gardes rouges chinois, Fidel Castro, Modesty Blaise, les Beatles, Picasso, Archie Shepp, Mao-Tes-Tung, ma femme, Peter Weiss, Bunuel, « Che » Guevara, John Tehicai, Michel Wacmann, Claudia Cardinald, Hans Bellmer, Ho-Chi-Minh, mes chats, mon chien, Oum Kaltssou, Charlie Mingus, Michel Simon, Sarah Vaughan, Jacques Brel, Shirley McLaine, Charles Lloyd, les Rolling Stones, Francis Jeanson, Jackie McLean,etc…etc…etc…

Juste pour le fun, une grande vérité:

Vous travaillez beaucoup, mon cher Siné, dans le sexe. Est-ce parce que cela plait au public ou parce que vous êtes un obsédé ? – Maryvonne Cestari
Que celui qui n’est pas obsédé me jette la première pierre ! Je crois, personnellement que les gens qui ne pensent pas qu’à ça, sont des anormaux ou de fieffés menteurs ! Je n’en ai d’ailleurs jamais rencontré jusqu’ici ! Pensez-vous qu’une conversation aussi sérieuse soit elle résiste à l’arrivée d’une folie fille nue en bas noirs par exemple ?… A quoi pense un naufragé sur une île deserte ? A quoi pense un amateur de jazz quand il écoute Sarah Vaughan et à quoi pense t elle, elle, quand elle chante devant 500 paires d’yeux braqués sur sa personne dans une salle surchauffée ? A quoi croyez vous que pensent Jean Louis Gimbre, Jeau Louis Camolli, Jean Piere Binchet, Frank Tenot ou Daniel Filipacchi ? Pas à la musique quand meme ! Ah ! Si tous les obsédés du monde voulaient bien se donner la main… J’espère, Maryvonne, que fous en êtes une autre.
A bientôt, Siné.

Encore !