Je suis ému de parler de mon auteur de manga fétiche : Osamu Tezuka. Non content de révolutionner le genre des années 40 jusqu'aux années 80 (son empreinte et son influence sont indiscutables), il a aussi le chic d'écrire des histoires plus adultes qui s'éloignent de ses mangas des débuts, plutôt destinés à un public enfantin : Le Roi Léo, et Astro s'il ne fallait en citer que 2.

Pourtant, si le génie est reconnu pour son talent, pour raconter des histoires, et sa capacité à créer des scénarios (car le monsieur est évidemment inspiré par le cinéma) originaux, son point noir réside en son talent graphique. C'est en quelque sorte son point faible, on peut juste dire que son style n'est pas apprécié des jeunes fans de mangas, et pour cause, il ne donne ni dans la surenchère graphique, ni dans le gommage commercial des aspérités du dessin.

Ses 4 oeuvres majeures sont : Hino Tori (ou encore Phénix en français, Space Firebird), Bouddah, L'histoire des 3 Adolf, et bien entendu Black Jack.


Ce dessin animé sorti originellement en 1996, sort pour la première fois en France en DVD, c'est à dire 7 ans après la mort du maître. C'est Osamu (!) Dezaki, un ancien assistant qui a donné naissance à cette oeuvre.

Black Jack, qui est-il (d'où vient-il ?, formidable robot,... euh non )
C'est un médecin-chirurgien, balafré, qui est dans un illégalité (mais non illégitimité) permanente : non diplômé (il récuse le système) il vit de son métier, en sauvant les gens d'une mort quasi-certaine. Car Black Jack est le meilleur dans sa discipline, et pour cela il demande bien plus que les médecins officiels,...ce qui n'est pas sans causer de vives polémique. Son éthique est assez complexe, j'aurais du mal à la résumer, mais ça en fait bien un être passionant et rempli de contradictions.

Ce dvd est une histoire je dirais classique de Black Jack, toutefois s'il respecte la vision de Tezuka, il n'en est pas l'auteur...et pourtant cet anime est si bon qu'on le croirait du maître !!!

Connaissant la bd et le personnage de Black Jack, j'ai été très agréablement surpris par ce dvd...j'ai été scotché par des dessins d'une rare qualité, et surtout...une histoire comme on en fait peu actuellement. Ici point de gamineries (si ce n'est le personnage de Pinoko...mais il s'agit en quelque sorte de la fille de Black Jack, on ne peut pas lui donner plus de 8 ans...elle intervient peu), Dezaki respecte la vision de Tezuka, et lui insuffle une modernité qui lui fait honneur. Le scénario est en béton, prenez une louche de romantisme noir, de SF biologique, de médecine (Urgences en plus palpitant), de mystères à éclaircir, et touillez le tout. L'histoire est dessinée avec un soin rare, desservi par un scénario qui évite le manichéisme si prisé des américains : si ce n'est un personnage (Brane, et encore), tout est en nuances, aucun personnage n'est "méchant gratuitement". De même on notera un aspect philosophique assez fort, soutenant l'histoire...qui se finit bien malgré tout. Cela n'en fait pas un happy end à l'américaine pour autant, tout au plus le message est optimiste...mais mesuré.

L'histoire :
A l'époque ou des surhommes font leur apparition dans le sport de très haut niveau ou même la musique, ceux-ci tombent tout à coup malade et meurent avec peu d'explications plausibles. Black Jack est amené à enquêter sur cette maladie mystérieuse, jusqu'à tomber lui-même malade...

Côté artistique, je trouve cet anime assez réussi : les traits des personnages ont été occidentalisés (et l'histoire semble se dérouler aux USA), et les dessins sont réalistes. Je me suis surpris à dire "c'est bien filmé dis-donc", ce qui me laisse penser que l'oeuvre a été abordée comme un film, c'est à dire, en usant des techniques de cadrages, d'ombres et lumières, de ralentis...mais aussi des techniques classiques du dessin animé, je pense surtout aux arrêts de mouvements...comment dire autrement : le dessin est arrêté sur un personnage éprouvant une émotion, et le crayonné est modifié, laissant la place à une image persistante de quelques secondes, et qui remplace l'animation. Ceux qui se souviennent encore de Rémi Sans Famille, peuvent bien voir de quoi il en retourne Pour autant, les choix sont artistiques et rien n'est gratuit, tout fonctionne comme si c'était naturel.

Un dernier point positif et de taille : il ne dure qu'une heure et demi (1h24 plus précisément). A l'heure ou une grande majorité des films et des dessins animés font du remplissage pour atteindre la limite psychologique des 2h, cela rend ce Black Jack d'autant plus sympathique, car rien ne dépasse, pas un seul gramme de gras.

Il existe une suite sortie il y a un an ou deux ans apparemment dans le même genre (et Dezaki est de la partie encore)...pas vue, et disponible uniquement en import, et pas forcément avec les sous-titres ou les voix en français.

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Phénix, est considéré comme l'oeuvre de la vie de Tezuka, celle ou il exprime le plus son humanisme, celle ou il s'aventure le plus dans les délires imaginatifs, mêlant SF/Fantasy à souhait (Tezuka a des références et celles-ci ressortent !), à une vision humaniste, zen (n'oublions pas, c'est un japonais). C'est donc un manga en 12 volumes, que la mort 1989, ne lui a pas permis d'achever...il en espérait une trentaine !

Ici donc, ce dessin animé sorti en 1980 est une histoire inédite du Phénix, mais qui aurait pu se retrouver au format papier, tant les sujets et le traitement de l'histoire se rapproche du manga.

L'histoire est une suite de références à la science fiction (un amateur y reconnaitra Le meilleur des mondes, Soleil Vert, ou encore 1984), mais aussi au contexte de l'époque : les mangas de SF prolifèrent, n'oublions pas que les 2 premiers Star Wars ont ravivé le courant du Space Opera ! Les points originaux sont : une histoire qui navigue entre SF et fantastique, l'énigme de cet oiseau de feu n'est pas résolue, et d'ailleurs on ne cherche pas à la résoudre ! ; une musique enjouée, très baroque ; un climat rococo, suranné qui a son charme, propre à la SF campbellienne, de l'âge d'or (Astounding & co)...Le dessin quant lui n'est jamais très loin de Goldorak, Captain Flam ou de Albator, c'est une concession (on peut le regretter) de Tezuka afin de mieux le vendre au Japon, en Asie ensuite, et même en Europe ou certains anciens se souviennent du passage télévisé de ce dessin animé. Mais rassurez-vous, cette oeuvre a bel et bien une personnalité propre.

Ce n'est toutefois pas la perfection, la seconde concession de Tezuka, étant de plaire aux enfants, alors bien avant la menace fantôme de George Lucas, Tezuka a cru bon intégrer 3 personnages à l'utilité douteuse : Jar Jar Binks est leur descendant spirituel...L'oeuvre a suffisamment de qualités pour faire oublier cet égarement.

L'histoire : Gôdo est un homme qui a vécu enfant dans une pièce sous la bénédiction de la domotique, jusqu'à l'arrivée d'un robot à l'apparence d'une femme (qui peut se transformer...en véhicules aussi bien qu'en valisette). Dès qu'il devient adulte, il sort de sa "maison" pour devenir adulte. Il apprend entre autres qu'il est né pour être pilote, et que sa mission est de ramener vivant le 2772, un oiseau de feu...

Le propos de Phénix (du moins ce dessin animé), est semble-t-il moins puissant que celui de Black Jack, de par une originalité moindre (le manga est de ce point de vue, plus personnel), et les enfants seront plus sensibilisés à Phénix qu'à Black Jack. Il y a néanmoins une lecture partielle à un second niveau, facilitée par les références à la SF (les oeuvres citées sont plus ou moins tombées dans le domaine public, pas les oeuvres en soit, mais les idées). Qu'un robot se mette à avoir des sentiments, que les fruits et légumes sont destinés à une élite,...

Je ne pense pas honnêtement qu'il s'agisse d'un chef-d'oeuvre (Black Jack s'en rapproche davantage), mais ce dessin animé a un charme fou renforcé par une esthétique (aussi bien dans le son que dans l'image) qui en 2005 est presque une oasis dans le désert : entre blockbusters en images 3D (et c'est un amateur de pixar qui parle, et des Incredibles notamment !!) et des animes japonais bien trop ternes car masquant toutes les aspérités. Il y a un côté amateur raffraichissant dans Phénix...bien que ça soit une oeuvre professionnelle, c'était en effet le dessin animé le plus cher à l'époque au Japon. Ce n'est plus le cas, certes, et là ou les dessins paraitront désuets pour la plupart d'entre vous, je le trouve saisissant et plus artistique que bien des oeuvres actuelles