Slaves And Masters… peut-être l’album le plus décrié de Deep Purple avec Come Taste The Band. Ian Gillan fut viré sans ménagement par l’ensemble du groupe (et pas seulement par Ritchie Blackmore), à cause de ses mauvaises prestations scéniques et de son alcoolisme notoire. Deep Purple se retrouve dans la même situation qu’à l’époque de Burn, privé de son chanteur légendaire et prêt à rebondir, à aller de l’avant. Là où les fans espéraient en cachette un remplaçant de la trempe de David Coverdale, ils devront se contenter de… Joe Lynn Turner !

Tout juste sorti de chez Malmsteen et encore très rattaché à l’image de Rainbow, ce choix avait de quoi surprendre. La presse s’empressera de qualifier ce nouveau line-up de Deep Rainbow, il faut dire aussi qu’avec Ritchie Blackmore, Joe Lynn Turner et Roger Glover, les 3/5èmes de Rainbow sont réunis !
Si Turner était très bon avec Rainbow et Malmsteen, le problème de son passage dans Deep Purple est le suivant : il succède à des chanteurs légendaires, donc forcément, face à un Ian Gillan, David Coverdale (et Rod Evans, soyons fou !), il ne fait clairement pas le poids. Il ne deviendra jamais une grande voix du rock, il faut être réaliste. Pourtant, même si ce mélange peut paraître contre-nature au premier abord (un peu comme Ian Gillan ou Glenn Hughes avec Black Sabbath), cette parenthèse Turner n’est pas inintéressante pour autant.

On sent une réelle complicité entre Blackmore et Turner, une osmose même ! Le jeu de Ritchie n’a jamais été aussi fin au sein de Deep Purple, il s’épanouit et retrouve du coup un certain raffinement qu’il avait perdu depuis ses années Rainbow. Le travail sur les guitares est colossal, on peut régulièrement savourer la beauté du son, comme sur l’intro de Breakfast In Bed par exemple.
Slaves And Masters n’est ni la suite logique de Bent Out Of Shape, et encore moins celle de The House Of Blue Light, c’est autre chose. Le qualifier de simple ersatz de Rainbow serait réducteur, même si on retrouve ici ou là quelques traces (sur les refrains de Truth Hurts et Love Conquers All… du Rainbow tout craché).

Dès l’intro de King Of Dreams, les sonorités synthétiques et la rigidité de la production ont de quoi écoeurer… les fans qui s’attendent à un album de Deep Purple bien rock peuvent passer leur chemin.
King Of Dreams deviendra un classique… non pas de Deep Purple, mais plutôt dans le répertoire de Turner, il suffit de voir l’accueil du public à chaque fois qu’il la chante. Sur King Of Dreams, ça se joue surtout entre Blackmore et Turner… la voix chatoyante de Turner, le refrain « FM » très prenant, le jeu de Ritchie tout en retenu : un des morceaux phares de Slaves And Masters, assurément.
La section rythmique en serait presque reléguée au second plan pour le coup, même si Ian Paice et Jon Lord disposent de plus d’espace sur les autres titres, plus en tout cas que les bras cassés qui ont accompagné Rainbow durant l’époque Turner.

Slaves And Masters est assez inégal, avec pas mal de bonnes choses et aussi de sacrées daubes. La ballade larmoyante Love Conquers All en est une, avec des violonnades ridicules en guise d’intro (à ce titre, le clip vaut vraiment le coup d’œil !). Le refrain de Too Much Is Not Enough (le seul titre écrit par Turner et des compositeurs extérieurs au groupe) est atroce également, avec les gros synthés. Les couplets hard rock sont quand même assez sympas. Enfin, ce morceau ne sonne vraiment pas comme du Deep Purple (encore moins que les autres).

Le seul titre qui se rapproche du mark 2 vintage serait Fire In The Basement, avec des solos blues-rock rappelant un peu ceux de Lazy. Très classique, téléphoné même ! Breakfast In Bed est un autre rock, plus original et nettement plus subtil, il n’y a qu’à écouter l’intro : un des meilleurs titres pour ma part.
The Cut Runs Deep et Truth Hurts prendront toute leur dimension sur scène ; le traitement qui leur est réservé en studio manque de chaleur… tout l’inverse des démos de Slaves And Masters qui sonnent vraiment rock !

Chaque face se termine avec un excellent morceau : Fortuneteller sur la face A, magnifique, Deep Purple n’avait sûrement jamais été aussi calme et mélodique, avec encore une fois un superbe duo entre Turner et Blackmore.
Avec l’épique Wicked Ways pour la face B, c’est là où on se rend de toute la force que pouvait dégager ce line-up : rythmes enjoués, sonorités orchestrales, un Turner hargneux (si si !), les riffs d’une classe folle du père Blackmore, avec un touché unique, et une complémentarité guitares-claviers qui forme un mur du son. C’est là où on sent la complicité entre Jon Lord et Ritchie Blackmore. On distingue parfois assez mal les deux instruments, surtout pendant les couplets (à moins d’écouter le disque au casque), la faute au manque de clarté de la production.
Wicked Ways a cependant un seul défaut : le pont instrumental, qui se contente de reprendre le thème du refrain aux claviers, mais en ralenti. Ce n’est pas un passage mauvais, mais il n’est pas à la hauteur du reste. Ceci dit, ce morceau, réarrangé avec un orchestre symphonique en live, aurait vraiment de la gueule !

L’ensemble du groupe sera fier de Slaves And Masters, à sa sortie au moins, il suffit de lire les interviews de l’époque. Et d’écouter aussi les concerts de grande qualité que Deep Purple donnera sur la tournée qui suivra, l’occasion de jouer Burn en ouverture ! Mais il sera assez vite renié, la faute à un accueil mitigé de la part des fans, avec logiquement la peur au ventre de ne pouvoir survivre (commercialement parlant) à l’absence de Ian Gillan.

Note : 3/5

Titres préférés :
King Of Dreams
Fortuneteller
Wicked Ways

C'est sans doute le Purple que j'écoute le moins, alors qu'il n'est pas si mauvais que cela, mais j'y cherche toujours du DP alors que c'est un disque de Rainbow qui cache son nom, je vais le ressortir tiens, ça fait un bail

Exactement. Cet album est fin, léger, élégant. C'est un des rares Deep P que j'aime (avec House of the blue light).

Je trouve pas qu'il sonne si Rainbow que ça... pas la même période. Rien à voir avec Bent out of shape, ni même avec Stranger in us all.

J'suis assez d'accord. J'entends pas vraiment du Rainbow. Juste du bon Deep Purple ?

Rien a rajouter, entierement d'accord avec ta chro, ça resume parfaitement ce que j'en pense, un bon album mais inégal.

Mon Deep Purple préféré. Et de loin. Le seul que j'écoute avec plaisir (et souvent)

Bon, en même temps, je ne suis pas vraiment fan de DP. Surtout avec le chanteur insupportable qu'ils ont trainé pendant quelques temps (Yan quelquechose)

Je me souviens qu'à sa sortie, je l'avais acheté une bouchée de pain à un fan déçu qui l'a revendu après une seule écoute....

Moi je l'avais trouvé dans une boutique d'occases ... une semaine avant sa sortie !!! C'est vous dire que même les mecs qui l'avaient eu gratos (presse, etc.) n'avaient q'une idée: s'en débarrasser!

Personellement, j'adore Slaves and Masters. C'est vrai que JLT n'aura jamais la voix ou le charisme de gars comme Gillan ou Dio, mais il a l'avantage de toujours être là quand on a besoin de lui, d'être d'une fiabilité absolue, et d'être facile à vivre (il suffit de voir les guitaristes avec lesquels il a travaillé pour s'en convaincre).
Le coté "c'est du RAINBOW" est certes du au line-up, mais aussi en grande partie à Ian Gillan qui à l'époque n'a pas cessé de cracher son venin sur son ancien groupe et cet album. On ne trouvait pas un journal sans une interview de Gillan qui disait "ce groupe n'est pas DEEP PURPLE mais RAINBOW". Mais, objectivement, s'il est vrai que les 3/5 de l'arc-en-ciel étaient là, pas moins de 80% du line-up "historique" (le Mk II) de DP figurent sur ce disque. Comme quoi on peut faire dire ce qu'on veut aux chiffres.

Musicalement, David l'a souligné avec justesse, c'est assez inégal, le génial côtoyant ce qu'il faut bien appeler des daubes (mais ce sera également le cas avec The Battle Rages On, comme quoi Turner n'y est pour rien).

Mon top 3:
- King of Dreams
- The Cut Runs Deep
- Wicked Ways

Un disque que je vous conseille vivement de (re)découvrir. Et pour ceux qui douteraient encore des qualités de ce line-up et cet album, procurez vous un bootleg de la tournée. Vous serez très agréablement surpris.

Elle est bien ta chro, la preuve je suis en train de réecouter l'album.

Je le trouve quand même assez proche de Rainbow, vraiment y'a que les clavier de Jon Lord qui me rappelle que c'est du Purple. Heuresement il est suffisament présent pour justement justifier que c'est un album de purple.

C'est vrai que Turner fait un peu léger quand même, le contraste avec Gillan est trop fort. Pas le même charisme non plus. Et bizarement je le trouvais plus en forme avec Malmsteen.

Un album sympathique en tout cas, agréable à écouter, que je trouve largement au dessus des trois dernières réalisation de DP (Morse : dégage!, Blackmore : arrête tes conneries avec ta gonz et réconcilie toi avec Gillan!).

Par contre, c'est quoi la track list de ton vinyl? Parceque sur mon cd "Fortuneteller" n'ets pas du tout le dernier morceau de la face A, c'est le 7è titre.

Set-list du concert de Fribourg le 22/02/1991:

- Burn
- Black Night (incl. Child In Time / Long Live Rock n' Roll)
- Truth hurts
- The Cut Runs Deep (incl. Hush)
- Perfect Strangers
- Fire In The Basement (incl. bass solo)
- King Of Dreams
- Love Conquers All
- Difficult to Cure
- Keyboards solo
- Knockin' At Your Back Door
- Hey Joe
- Instrumental (incl. Purple Haze)
- Highway Star
- Instrumental
- Smoke On The Water (incl. drum solo / Woman From Tokyo)

Avec tout le respect que j'ai pour Ian Gillan, force est d'avouer que DEEP PURPLE s'offre beaucoup plus de libertés et de fantaisie dans la set-list quand il n'est pas là.

En même temps j'ai pas l'impression que Gillian soit partant pour chanter des titres qui ont été chanté par d'autres, "Burn" manque terriblement sur les set list actuelles.

Tout à fait d'accord avec toi, et c'est ce qui faisait la force du Mk V: il n'y avait pas d'interdit au niveau de la set-list.

Quand on pense qu'un mec comme Dickinson ne rechigne pas de chanter sur des titres de Xfactor (non je ne dénigre pas cet album, je l'apprecie aussi, Noise ) et Virtual XI, il pourrait faire un ptit effort, le père Gillian.

Dickinson est une exception.
Tu crois que Ozzy chantait du Dio ou du Martin?
Halford ne chante pas de morceaux de Demolition ou Jugulator....

Les exemples sont nombreux...

- i rayon! - i !!!

Sinon oui, Gillan c'est un boulet. M'enfin il a quand même fait l'effort de ressortir Child in time, c'est déjà ça.

J'allais te dire que t'avais pas du écouter le live in london de JP, euh.....merde c'est Ripper qui chante dessus.

Gillan n'a rien contre le fait d'en jouer en concert, mais ne veut pas en chanter. Sans trop préciser pour quoi. Cela dit, j'ai souvenir d'une interview (ancienne donc c'est tombé à l'eau) où il était question que Steve Morse chante dans DP, et donc puisse reprendre Burn. Je ne pense pas que ce soit du sectarisme (il chante bien Hush) contre les autres line-up du groupe, mais une volonté de rester à son registre vocal plutôt que de s'entendre dire qu'il ruine les chansons de Coverdale. Pas de prise de risque quoi.

Face A
King Of Dreams
The Cut Runs Deep
Fire in the basement
Fortuneteller

Face B
Truth hurts
Love conquers all
Breakfast in bed
Too much is not enough
Wicked ways

Bah, en même temps, pour la set list, DP s'est aussi permis quelques folies après que Ritchie se soit barré, en rejouant des anciens titres qu'ils n'avaient plus fait depuis longtemps, sur la tournée Purpendicular.
Quand Gillan et Blackmore ne sont pas ensemble, c'est là où DP devient aventureux.
Mais ça a duré quelques années seulement. Après, ils ont enchainé les tournées comme des fonctionnaires et les set list sont redevenues très classiques, best of, avec la pire tournée de toute, celle de 2003, là où j'ai eu la "chance" d'assister au concert du Zenith (un des moins bons concerts de DP d'après certains).

Ok ma track list est différente, je sais pourquoi ils s'amuse à changer les track list sur les édition cd