Suicidal Tendencies – How will I laugh tomorrow...
Suicidal Tendencies – How will I laugh tomorrow when I can’t even smile today
USA - 1988
J’ai ressorti ce disque du frigo grâce à une association d’idée qui me semblait imparable Metallica /
St Anger / Robert Trujillo / Suicidal Tendencies. Sauf que Rob ne joue pas sur cet album et je ne m’en souvenais pas ! Il est arrivé plus tard dans la carrière de ST. Je n’ai pas beaucoup de disques thrash ou assimilés (fans de
Act III de Death Angel bonjour !). Là, certains alphabétisés me rétorqueront avec la verve qu’on leur connaît « ouah l’aut’, Sous Heu Saille Dole c’est même pas du thrash ! ». Sauf que c’est encore plus compliqué que cela. Suicidal Tendencies c’est du cross-over, un mélange de hardcore (et donc un peu de punk forcément) et de metal (côté thrash quand même, les rythmiques étant dans l’ensemble assez Hetfieldiennes). ST est l’un des fondateurs de ce mouvement oublié s’il en est. A tel point qu’il ne viendrait plus à l’idée de personne de dissocier metal et hardcore, tant les deux sont intimement liés à l’heure actuelle. Aux côtés de DRI (Dirty Rotten Imbeciles) et de quelques autres, ST a fait voler en éclat les barrières entre ces deux genres, ces deux mondes. D’un côté les hardcore freaks, rythmiques à la débroussailleuse et chant gueulé, conscience sociale, boule à zed et skate aux pieds, de l’autre les headbangers, testicules broyées dans leur stretch rayé, QI de hamster et tignasses permanentées sous projos multicolores, …
Suicidal a donc concilié les deux : du hardcore il a gardé la conscience sociale, le côté gang (ah ces bandanas bas du front) et le discours radical. Dans le metal il a puisé la mélodie (la guitare de Rocky George flamboie tout au long du disque), les breaks, les accélérations, les progressions typiquement thrash et la lourdeur de certains passages.
Au final
How will I laugh tomorrow est un habile compromis. Les albums précédents naviguaient plus du côté hardcore. Le virage abordé par ce disque permet aux amateurs de mélodie de s’y retrouver.
Mais ST propose bien plus que cet habile dosage hardcore / metal / thrash. La première chose est la voix de son leader, Mike Muir. Claire et légère, elle « insinue » ses mélodies dans les riffs plombés de Clark et George, créant un climat jamais entendu dans le genre, un contraste saisissant de sauvagerie métallique, de douceur, et de folie, effet alizé dans une fournaise écrasante. Muir distille ses interventions, sa voix serpente et sinue (l’inquiétant « Hearing voices », parfois soutenue par des chœurs martiaux (« How will I laugh… », « Pledge your allegiance »…) De temps en autre Cyco Miko s’éraille mais sans jamais se déchirer véritablement. Pourtant l’intensité est là : ST sait créer des climats (dépressifs, on s’en doute vu son patronyme) et surprendre l’auditeur : on passe de titres punky (« Sorry ?!) à du surf metal (« Surf and slam »), à de vrais fausses ballades (« How will I laugh tomorrow »), à du hardcore mélodique (« Trip at the brain »), ou du heavy metal pur jus (« One too many times »), ou du hardcore metal (« The miracle », « Suicyco mania »). En outre, on a souvent à faire à des titres « à tiroirs » qui, sans être véritablement alambiqués, jouent sur des constructions et des variations étonnantes.
L’autre star du disque est évidemment Rocky George, soliste qui joue vraiment un rôle lead tant il intervient sur les titres (mélodies, arpèges, gimmicks, phrasés lumineux…) Je ne sais pas trop ce qu’est devenu ce gars (il ne faisait pas partie du line-up de la reformation) mais c’est une perte : rarement un soliste aura été mis aussi en avant dans un contexte hardcore.
How will I laugh tomorrow est un disque assez homogène qualitativement parlant (seuls « Suicyco Mania », « The miracle » et « If I don’t wake up » me semblent plus faibles). Sans être un indispensable, il permet d’aborder le groupe et le genre, sans sombrer dans les clichés éculés : ST avait une personnalité et un son, ce qui le range du côté des bons.